Sarah et Silas

 

Le « paquet » élut domicile chez les Heap et reçut le nom de Jenna, en l’honneur de la mère de Silas.

Le plus jeune des garçons, Nicko, n’avait que deux ans à son arrivée et il ne fut pas long à oublier son frère Septimus. Les aînés finirent par l’oublier aussi. Ils aimaient beaucoup leur petite sœur à qui ils rapportaient toutes sortes de trésors de l’école de Magyk.

Bien sûr, Sarah et Silas ne purent oublier Septimus. Silas s’en voulait d’avoir laissé Sarah seule à la maison pour aller chercher des herbes chez la guérisseuse. De son côté, Sarah se faisait tous les reproches possibles. Elle n’avait qu’un vague souvenir de ce jour terrible mais elle se souvenait très bien de ses vains efforts pour ranimer son bébé à l’aide de son souffle. Elle revoyait la matrone envelopper son petit Septimus de la tête aux pieds dans des langes puis se diriger vers la porte en lui jetant par-dessus son épaule :

— Mort !

Cette scène était restée gravée dans sa mémoire.

Bientôt, Sarah aima la petite fille autant qu’elle avait aimé son Septimus. Pendant un temps, elle vécut dans la crainte de le perdre aussi. Mais au fil des semaines, comme Jenna devenait un bébé potelé qui gazouillait d’une voix plus sonore que celle de n’importe lequel des garçons, elle se détendit et cessa presque de s’inquiéter.

Mais un jour, sa meilleure amie, Sally Mullin, arriva tout essoufflée sur le pas de la porte. Sally Mullin était une des personnes les mieux informées sur tout ce qui se passait au Château. Cette petite femme active, coiffée d’une toque douteuse d’où s’échappaient en permanence des mèches de cheveux roux et fins, avait un visage rond et avenant. Ses joues rebondies témoignaient de son habitude de finir les restes de gâteaux et ses vêtements étaient généralement saupoudrés de farine.

Sally dirigeait un petit établissement sur le ponton au bord de la rivière :

Chez Sally Mullin, taverne et salon de thé.
Chambres propres à louer.

On ne sert pas la canaille.

On ne pouvait rien cacher aux habitués de la taverne de Sally Mullin. Toute nouvelle arrivée de passagers ou de marchandises par la voie fluviale y était immédiatement repérée et abondamment commentée. Or, la plupart des voyageurs aimaient mieux se rendre au Château en bateau que de traverser la sombre forêt qui l’entourait de toutes parts. Les gloutons y rôdaient en nombre durant la nuit, sans parler des arbres carnivores et des sorcières de Wendron, toujours à court d’espèces sonnantes et trébuchantes, qui passaient pour tendre des pièges aux imprudents et ne leur laisser que leur chemise et leurs chaussettes.

L’établissement de Sally, une baraque en bois enfumée et grouillante de clients, semblait posée en équilibre instable au-dessus de l’eau. Des embarcations de toutes tailles et de toutes formes venaient s’amarrer au ponton, déversant devant sa porte toutes sortes de bêtes et de gens. Beaucoup décidaient de se remettre de leurs émotions en buvant une ou plusieurs pintes de cette bière revigorante dont Sally avait le secret, en dégustant une part de gâteau à la farine d’orge et en rapportant les derniers potins. Et les habitants du Château, pour peu qu’ils aient eu une demi-heure à perdre et un creux à l’estomac, prenaient tout naturellement le chemin qui empruntait la porte du Port, longeait la rivière et le dépotoir communautaire avant d’aboutir à la taverne-salon de thé de Sally Mullin.

Sally veillait à rendre visite à Sarah chaque semaine afin de la tenir informée de tout ce qui se passait. De son point de vue, Sarah était esclave de ses sept enfants, sans compter son époux qui n’avait pas l’air de se donner beaucoup de mal. En général, les histoires de Sally concernaient des gens que Sarah n’avait jamais vus et qu’elle avait peu de chances de rencontrer un jour. Pourtant, elle attendait avec impatience les visites de son amie et se délectait de ses récits. Mais les nouvelles que Sally apportait ce jour-là étaient autrement plus sérieuses que les commérages habituels, et elles touchaient Sarah de près. Et pour la première fois, celle-ci en savait plus long que Sally sur le sujet.

Sally entra et referma la porte avec des airs de conspiratrice.

— J’ai quelque chose d’affreux à te raconter, murmura-t-elle.

Occupée à la fois à débarbouiller Jenna qui avait tout éclaboussé avec son petit déjeuner et les saletés du nouveau chiot de la famille, Sarah n’écoutait qu’à moitié.

— Bonjour, Sally. Va t’asseoir là où c’est propre. Une tasse de thé ?

— S’il te plaît, oui. Sarah, tu ne me croiras jamais !

— Que s’est-il passé ? demanda Sarah, s’attendant au récit de la dernière querelle d’ivrognes survenue à la taverne.

— La reine... Elle est morte !

— Quoi ?

Stupéfaite, Sarah souleva Jenna de sa chaise, l’emmena dans l’angle de la pièce où se trouvait son couffin et la coucha. Elle pensait qu’il fallait préserver les bébés des mauvaises nouvelles.

— Morte, répéta Sally d’un ton lugubre.

— Impossible ! Je n’en crois pas un mot. La naissance de son enfant l’a beaucoup fatiguée ; c’est pour ça qu’on ne l’a pas revue depuis.

— C’est ce qu’ont raconté les gardes du palais, pas vrai ?

— Exact, acquiesça Sarah en versant le thé. Mais ils sont bien placés pour savoir la vérité. Ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi la reine a tout à coup choisi cette bande de brigands pour former sa garde personnelle...

Sally prit la tasse de thé que Sarah avait placée devant elle.

— Mmm, parfait. (Sally baissa la voix et lança un regard circulaire autour d’elle. Peut-être s’attendait-elle à découvrir un garde du palais dans un recoin de la pièce, même si elle avait peu de chances de le remarquer à cause du désordre qui régnait chez les Heap.) Des brigands, disais-tu ? Tout juste ! Ce sont eux qui l’ont tuée.

— Tuée ?

— Chut ! (Sally approcha sa chaise de Sarah.) Tu sais ce qu’on raconte ? Et ça, je le tiens de bonne source...

— Cette source, elle a un nom ? interrogea Sarah avec un sourire ironique.

— Parfaitement. Elle s’appelle dame Marcia !

Sally se redressa et croisa les bras d’un air triomphant.

— Quoi ? Depuis quand fréquentes-tu la magicienne extraordinaire ? Ne me dis pas qu’elle est entrée chez toi pour prendre une tasse de thé...

— Pas elle, mais Terry Tarsal. Il revenait de la tour du Magicien où il avait livré une paire de bottines fabriquée tout spécialement pour dame Marcia. Quand il eut fini de se plaindre du mauvais goût de sa cliente et de sa propre horreur des serpents, il m’a confié avoir surpris une conversation entre Marcia et une autre magicienne. Je crois que c’était Endor. Tu sais, la petite boule ? En bref, elles disaient que la reine avait été tuée par un assassin à la solde des gardes du palais...

Sarah n’en croyait pas ses oreilles.

— Quand ? souffla-t-elle.

— C’est ça le plus terrible, murmura Sally, tout excitée. Elle serait morte le jour même où son enfant naissait. C’était il y a six mois, et nous n’en savions rien. Quel drame effroyable ! Ils ont également tué messire Alther. Ça explique que Marcia...

— Alther ? la coupa Sarah. Quelle horreur ! Tout le monde le croyait à la retraite. Silas a été son apprenti. Un homme charmant.

— Ah ? marmonna Sally, impatiente de poursuivre. Ce n’est pas tout ! Terry a cru comprendre que Marcia avait sauvé la princesse en la mettant à l’abri. Endor et elle se posaient des questions à son sujet. Bien sûr, quand elles se sont aperçues de sa présence, elles ont mis fin à leur conversation. Il dit que Marcia s’est montrée très désagréable avec lui. Après, il s’est senti tout drôle, au point qu’il la soupçonne de lui avoir jeté un sort d’oubli. Mais il s’est glissé derrière un pilier en la voyant remuer les lèvres, de sorte que le sort a en partie échoué. Là où il est furieux, c’est qu’il ne se rappelle pas si elle lui a payé les bottines.

Sally Mullin fit une pause pour reprendre son souffle et avaler une gorgée de thé.

— Pauvre petite princesse ! Que Dieu lui vienne en aide. Je me demande où elle se trouve en ce moment. Sans doute en train de dépérir dans quelque donjon. Pas comme ta petite chérie... Comment se porte le cher ange ?

— Oh ! A merveille.

En d’autres circonstances, Sarah aurait été intarissable sur les gazouillis et la dernière dent de Jenna. (Celle-ci se redressait maintenant toute seule, et elle tenait sa tasse comme une grande !) Mais pour le moment, elle n’aspirait qu’à détourner l’attention de Sally du bébé. Elle venait de passer six mois à s’interroger sur l’identité de la petite fille et, à présent, elle savait.

Jenna ne pouvait être que la princesse, la fille de la défunte reine !

Pour une fois, Sarah fut contente de voir partir Sally Mullin. Elle la regarda s’éloigner d’un pas pressé le long du couloir, referma la porte avec un soupir de soulagement et se précipita vers le couffin.

Quand elle la souleva dans ses bras, Jenna lui sourit et tendit sa menotte vers le collier porte-bonheur de sa mère.

— Bonjour, petite demoiselle, murmura Sarah. J’ai toujours su que tu avais quelque chose de spécial, mais je n’imaginais pas que tu étais notre princesse.

Le bébé planta ses yeux violets à l’expression sérieuse dans ceux de Sarah, comme pour lui dire : Eh bien, maintenant, tu le sais.

Sarah la reposa doucement dans son couffin. La tête lui tournait et ses mains tremblaient quand elle se versa une autre tasse de thé. Elle hésitait encore à croire tout ce qu’elle venait d’entendre. La reine était morte, ainsi qu’Alther. Leur petite Jenna était la princesse, l’héritière du Château. Comment était-ce possible ?

Elle passa le reste de l’après-midi à contempler Jenna (la princesse Jenna) et à s’inquiéter des conséquences si quelqu’un découvrait son identité. Et Silas qui n’était jamais là quand elle avait besoin de lui...

Pendant ce temps, Silas goûtait aux joies de la pêche à la ligne avec les garçons.

Une petite plage de sable s’étirait dans un coude de la rivière, à une faible distance de l’Enchevêtre.

Silas avait montré à Nicko et Jo-Jo, ses deux plus jeunes fils, comment attacher un pot de confiture au bout d’une gaule qu’on plongeait ensuite dans l’eau. Jo-Jo avait déjà capturé trois petits poissons, mais Nicko laissait continuellement tomber sa gaule et commençait à s’énerver.

Silas prit le petit garçon dans ses bras et se dirigea vers Erik et Fred, les jumeaux âgés de cinq ans. Erik rêvassait et laissait traîner un pied dans l’eau fraîche et claire avec un sourire béat. Fred essayait de déloger un insecte de dessous une pierre à l’aide d’un bâton. C’était un énorme gyrin au corps noir et brillant. En le voyant, Nicko hurla et se cramponna au cou de son père.

A presque sept ans, Sam était déjà un pêcheur confirmé qui avait reçu une canne à pêche digne de ce nom à son dernier anniversaire. Deux petits poissons d’argent reposaient sur une pierre près de lui et il s’apprêtait à en remonter un troisième quand Nicko se mit à piailler.

— Emmène-le, papa, dit son frère d’un ton maussade. Il va effrayer le poisson.

Silas s’éloigna sur la pointe des pieds et alla s’asseoir près de Simon, son fils aîné, avec Nicko. Simon tenait sa canne d’une main et un livre de l’autre. Il nourrissait l’ambition de devenir magicien extraordinaire et avait entrepris de dévorer tous les vieux grimoires de son père. Silas déchiffra le titre de celui qu’il lisait : Le Manuel du charmeur de poissons.

Silas escomptait que ses fils perpétueraient la tradition familiale en optant pour l’une ou l’autre branche de la Magyk. Sa tante était une sorcière blanche réputée et son oncle, un changeforme, tout comme son père. Toutefois, il espérait que ses garçons éviteraient cette dernière spécialité : avec l’âge, les bons changeformes souffraient d’une instabilité qui pouvait les empêcher de conserver leur apparence primitive plus de quelques minutes d’affilée. Le père de Silas s’était fondu dans la Forêt après s’être transformé en arbre (nul ne savait lequel). C’était une des raisons pour lesquelles Silas appréciait tant ses promenades dans les bois. Il n’était pas rare qu’il adresse la parole à un arbre particulièrement dépenaillé dans l’espoir qu’il s’agisse de son père.

Sarah Heap était issue d’une famille de sorciers et de magiciens. Petite fille, elle avait étudié les herbes et l’art de soigner auprès de Galen, la guérisseuse de la Forêt. C’est là qu’elle avait rencontré Silas, toujours à la recherche de son père. Le voyant triste et désemparé, elle l’avait conduit auprès de Galen. Celle-ci l’avait aidé à comprendre que son père, le change-forme, avait certainement choisi depuis longtemps d’achever son parcours sous l’apparence d’un arbre et qu’il devait être parfaitement heureux à présent. Et pour la première fois de sa vie, Silas s’était senti parfaitement heureux, assis aux côtés de Sarah près du feu de la guérisseuse.

Quand Sarah eut parfait sa connaissance des herbes et de l’art de soigner, elle prit congé de Galen avec effusion et rejoignit Silas dans la pièce unique qu’il occupait et où ils s’entassaient depuis avec leurs enfants. A l’arrivée du premier, Silas avait de bon gré interrompu son apprentissage et trouvé un emploi de magicien ordinaire pour faire bouillir le chaudron. Sarah préparait des élixirs sur la table de cuisine quand elle avait un moment de liberté, ce qui n’arrivait pas souvent.

Ce soir-là, quand Silas et les garçons remontèrent de la plage, un garde du palais, géant menaçant tout vêtu de noir, leur barra le passage.

— Halte ! aboya-t-il.

Nicko fondit en larmes. Silas s’immobilisa et dit à ses fils de se tenir tranquilles.

— Papiers ! hurla le garde. Où sont tes papiers ?

Silas le regarda sans comprendre.

— Quels papiers ? demanda-t-il calmement, soucieux d’éviter les ennuis avec six garçons fatigués qui avaient hâte de rentrer souper.

— Les tiens, saleté de magicien, rétorqua le garde d’une voix qui suait le mépris. L’accès de la plage est interdit à tous ceux qui n’ont pas les papiers requis.

Silas fut abasourdi. Seul, il aurait sans doute discuté, mais il avait remarqué le pistolet du garde.

— Désolé, dit-il. Je l’ignorais.

Le garde les toisa des pieds à la tête, comme s’il statuait sur leur sort, mais par chance, il avait d’autres innocents à terroriser.

— Toi et ta marmaille, fichez le camp et ne vous avisez pas de revenir, lâcha-t-il d’un ton brusque. Restez dans votre trou à rats.

Silas se dépêcha de gravir les dernières marches et entraîna les garçons vers l’Enchevêtre. Une fois en sécurité, Sam jeta son poisson et se mit à sangloter.

— Allons, c’est fini, murmura Silas. Tout va bien.

Mais dans le fond, il n’en était pas si sûr. Que se passait-il au Château ?

— Pourquoi t’a-t-il traité de saleté de magicien, papa ? interrogea Simon. Les magiciens sont pourtant les meilleurs, non ?

— C’est ça, répondit distraitement Silas. Les meilleurs.

Le problème, songeait-il, c’est qu’il était impossible de cacher qu’on en était un. Tous les magiciens sans exception présentaient le même trait distinctif. C’était son cas, mais aussi celui de Sarah et de tous leurs fils, sauf Nicko et Jo-Jo. Ces derniers l’acquerraient sitôt qu’ils iraient à l’école et seraient exposés au pouvoir de la Magyk. Lentement mais sûrement, la couleur de leurs yeux virerait au vert et bientôt, nul n’en ignorait la nature. Jusque-là, cette particularité avait toujours été un motif de fierté. Mais brusquement, il était devenu synonyme de danger.

Ce soir-là, quand tous les enfants furent enfin endormis, Silas et Sarah parlèrent jusqu’au cœur de la nuit. Ils parlèrent de leur princesse, de leurs petits magiciens et des changements survenus au Château. Ils envisagèrent de fuir vers les marais de Marram ou d’aller vivre dans la Forêt avec Galen. Mais quand ils finirent par céder au sommeil, un peu avant l’aube, ils avaient décidé de suivre leur ligne de conduite habituelle - en d’autres termes, vivre au jour le jour en priant pour que tout s’arrange.

Ainsi, Silas et Sarah gardèrent le silence pendant neuf ans et demi. Ils avaient soin de barricader leur porte, ne parlaient qu’à leurs voisins et aux personnes de confiance. Quand les cours de Magyk furent interdits à l’école, ils continuèrent à enseigner celle-ci à leurs enfants, le soir à la maison.

C’est pourquoi, neuf ans et demi plus tard, tous les membres de la famille Heap sauf un possédaient des yeux d’un vert éclatant.

Magyk
titlepage.xhtml
Magyk Tome 1_split_000.htm
Magyk Tome 1_split_001.htm
Magyk Tome 1_split_002.htm
Magyk Tome 1_split_003.htm
Magyk Tome 1_split_004.htm
Magyk Tome 1_split_005.htm
Magyk Tome 1_split_006.htm
Magyk Tome 1_split_007.htm
Magyk Tome 1_split_008.htm
Magyk Tome 1_split_009.htm
Magyk Tome 1_split_010.htm
Magyk Tome 1_split_011.htm
Magyk Tome 1_split_012.htm
Magyk Tome 1_split_013.htm
Magyk Tome 1_split_014.htm
Magyk Tome 1_split_015.htm
Magyk Tome 1_split_016.htm
Magyk Tome 1_split_017.htm
Magyk Tome 1_split_018.htm
Magyk Tome 1_split_019.htm
Magyk Tome 1_split_020.htm
Magyk Tome 1_split_021.htm
Magyk Tome 1_split_022.htm
Magyk Tome 1_split_023.htm
Magyk Tome 1_split_024.htm
Magyk Tome 1_split_025.htm
Magyk Tome 1_split_026.htm
Magyk Tome 1_split_027.htm
Magyk Tome 1_split_028.htm
Magyk Tome 1_split_029.htm
Magyk Tome 1_split_030.htm
Magyk Tome 1_split_031.htm
Magyk Tome 1_split_032.htm
Magyk Tome 1_split_033.htm
Magyk Tome 1_split_034.htm
Magyk Tome 1_split_035.htm
Magyk Tome 1_split_036.htm
Magyk Tome 1_split_037.htm
Magyk Tome 1_split_038.htm
Magyk Tome 1_split_039.htm
Magyk Tome 1_split_040.htm
Magyk Tome 1_split_041.htm
Magyk Tome 1_split_042.htm
Magyk Tome 1_split_043.htm
Magyk Tome 1_split_044.htm
Magyk Tome 1_split_045.htm
Magyk Tome 1_split_046.htm
Magyk Tome 1_split_047.htm
Magyk Tome 1_split_048.htm
Magyk Tome 1_split_049.htm
Magyk Tome 1_split_050.htm
Magyk Tome 1_split_051.htm
Magyk Tome 1_split_052.htm
Magyk Tome 1_split_053.htm
Magyk Tome 1_split_054.htm
Magyk Tome 1_split_055.htm
Magyk Tome 1_split_056.htm
Magyk Tome 1_split_057.htm
Magyk Tome 1_split_058.htm
Magyk Tome 1_split_059.htm
Magyk Tome 1_split_060.htm
Magyk Tome 1_split_061.htm
Magyk Tome 1_split_062.htm
Magyk Tome 1_split_063.htm
Magyk Tome 1_split_064.htm
Magyk Tome 1_split_065.htm
Magyk Tome 1_split_066.htm
Magyk Tome 1_split_067.htm
Magyk Tome 1_split_068.htm